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L'affaire Birkin

Rédigé par Gabriele Borasi | 17 mai 2023 09:16:56

Utilisation de la marque d’un tiers dans le métavers : liberté d’expression artistique ou enrichissement sans cause?

Au sein de notre Cabinet Jacobacci, nous aidons les entreprises à protéger leurs innovations et cela signifie protéger l’innovation dans le sens des inventions, donc des brevets, et dans le sens de protéger leurs marques. Je suis Conseil en marques et j’ai eu le privilège et l’honneur d’enregistrer le nouveau logo Brembo et de le faire également pour le métavers.

 Aujourd’hui, je vais commencer par un cas réel, la première décision qui a été portée à l’attention du public pour le métavers, bien sûr un cas américain, puis à partir de ce cas, nous partagerons quelques conseils pratiques sur ce qu’il convient de protéger pour le métavers et comment vous pouvez protéger votre innovation et en particulier vos marques dans le métavers.

MetaBirkin : liberté d'expression artistique ou enrichissement sans cause?

Dans ce cas, vous connaissez probablement le sac Birkin, qui est une icône dans le monde de la mode, créé il y a des années par Hermès. Récemment, un artiste américain appelé Mason Rotschild a créé dans le métavers le MetaBirkin.

Comme vous pouvez le voir, ce n’est pas une copie exacte, c’est quelque chose qui a été inspiré par le sac Birkin « réel » et c’est en quelque sorte amusant, je l’aime personnellement, et cet artiste a été absolument brillant et a créé des milliers de versions différentes, chacune certifiée par NFT et vendue sur le métavers, et en a retiré beaucoup d’argent.

Mais Hermès, bien sûr, s’en ait inquiété: « Pourquoi les appelez-vous Birkin? pouvez-vous le faire, oui ou non? » et l’a poursuivi devant le tribunal de New York. L’artiste s’est défendu sur la base de la liberté d’expression et de la liberté artistique. Ce n’est pas un argument fou, c’est quelque chose qui peut être considéré comme raisonnable parce que, par exemple, Andy Warhol a fait les peintures de soupe Campbell, il a utilisé la marque, et il a produit une série d’estampes, ou de peintures, et il a été autorisé à le faire, en raison de la liberté d’expression artistique.

Ainsi, l’argument principal utilisé par l’artiste pour sa défense était « Je suis un artiste, je le fais pour l’amour de l’art et pour le bien de la liberté ».

 L’argument principal d’Hermès était « vous n’êtes pas seulement un artiste, vous vendez ces NFT, vous faites des profits et votre démarche n’est pas de créer de l’art et de profiter de votre liberté d’expression, mais votre démarche est de gagner de l’argent avec ma célèbre marque Birkin ».

 En fin de compte, la décision rendue par le jury puis confirmée par le tribunal était en faveur d’Hermès, car le jury a estimé que la démarche de gagner de l’argent avec la célèbre marque, Birkin, était prépondérante par rapport à l’expression artistique en créant ces images qui n’étaient pas des copies, mais inspirées par le sac Birkin réel.

Cette décision était basée sur une loi spécifique aux États-Unis appelée « trademark dilution », qui peut être accordée à des marques notoires. Toutes les marques ne peuvent pas être protégées contre la dilution de la marque ; il doit s’agir d’une marque notoire, or bien sûr, Hermès pourrait facilement prouver le fait que le Birkin est une marque notoire dans l’industrie de la mode et dans le métavers.

 Ce n’est pas la fin de l’histoire, c’est une décision très récente, rendue en février 2022, et elle va bien sûr faire l’objet d’un appel. Très probablement, elle sera soumise à la Cour suprême tôt ou tard, parce que l’argument de la liberté d’expression est quelque chose qui aux États-Unis a beaucoup de soutien et donc je suis à peu près sûr que Mason Rotschild lui-même et, sinon lui, quelqu’un d’autre, soumettra cette affaire à la Cour suprême des États-Unis.

Mais prenons les choses telles qu’elles sont et partageons quelques conseils pratiques à partir de ce cas.

La première est «quels droits de propriété intellectuelle puis-je protéger avec succès sur le métavers?»

Cette affaire nous montre que nous pouvons protéger avec succès les marques. La marque peut être protégée par un enregistrement au registre des marques, et c’est le cas. Je n’aurais pas gagné ce procès sur la base des droits d’auteur ou du design, car le sac était en fait différent, alors qu’Hermès a réussi sur la base de la célèbre marque Birkin.

L’affaire est intéressante parce que, comme je l’ai dit, le MetaBirkin n’est pas le Birkin ; il n’aurait donc pas été protégé par des dessins et modèles enregistrés, qui sont protégés contre des copies similaires, et il en va de même pour le droit d’auteur. 

Un autre indice pratique que nous pouvons tirer de cette affaire est que si j’ai la chance d’être le propriétaire d’une marque notoire, je n’ai peut-être pas besoin d’un enregistrement spécifique plus que ceux en ma possession. 

Mais si ma marque est une marque « normale », ou même une marque importante comme Brembo, mais une marque très spécifique qui est née dans le monde de la brique et du mortier, alors je dois enregistrer ma marque dans les bonnes classes, donc je dois concentrer mes enregistrements vers de nouvelles classes. Peut-être ai-je déjà enregistré ma marque en relation avec des vêtements, ou des accessoires, ou des parfums, ou des lunettes, etc., mais je dois l’enregistrer dans les classes en lien avec le métavers ; je n’entrerais pas dans les détails, mais il existe différentes classes, principalement des classes de service (parce que comme vous le savez peut-être, vous devez enregistrer votre marque en relation avec des services ou des produits spécifiques) en relation avec le métavers. Par exemple, les sports électroniques et les logiciels mises en œuvre par Internet sont inclus dans la classe 41, donc une classe différente, et les services de conception et la création de NFT sont inclus dans la classe 42.

Vous devez donc élargir votre protection en couvrant les bonnes classes.

Un deuxième problème est que vous devez protéger votre marque dans les bonnes classes et dans les bons pays.

Bien sûr, idéalement, vous devriez protéger votre marque dans n’importe quelle classe et dans n’importe quel pays du monde, mais cela rendrait notre cabinet Jacobacci extrêmement riche et vous extrêmement pauvre, donc ce n’est pas raisonnable.

Vous devez choisir les bons pays. En ce qui concerne le Métavers, les pays appropriés sont probablement les pays où vous allez agir contre un éventuel tiers qui utilise votre marque sans votre autorisation.

Quels sont ces pays? Nous ne le savons pas avec certitude, mais juste un exemple, ceux qui sont les plus technologiques, ou les plus importants du point de vue du consommateur, par exemple les États-Unis, l’UE, le Royaume-Uni, la Corée, la Chine et le Japon. Ce ne sont que des exemples. Aujourd’hui aussi Singapour semble être un pays important : les entreprises impliquées dans le métavers semblent choisir Singapour pour des raisons fiscales, donc cela pourrait être un autre pays d’intérêt.

 

Traduction David DEVIC