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Quelques considérations sur le régime linguistique de la JUB

Rédigé par Arnaud Bonnans | 5 mars 2025 11:57:12

La Juridiction Unifiée du Brevet (JUB) est compétente pour les litiges impliquant des brevets européens sur le territoire de 18 États membres de l’Union Européenne (à l’heure actuelle). La JUB a été instaurée par l’accord relatif à une Juridiction Unifiée du Brevet (AJUB), entré en vigueur le 1er juin 2023.

Comme on pouvait s’y attendre eu égard à son avantage pratique, l’anglais est la langue la plus utilisée devant la JUB : le dernier décompte (à fin janvier 2025) dénombre 54% de procédures conduites en anglais en première instance. Ceci d’ailleurs bien qu’aucune instance de la JUB ne soit implantée dans un pays de langue anglaise (Malte, seul pays où l’anglais est une langue officielle à avoir ratifié l’AJUB, n’ayant implanté aucune division locale sur son territoire).

L’article 49 § 2 de l’AJUB a toutefois donné la possibilité à chaque État contractant d’utiliser une ou plusieurs des langues de l’Office Européen des Brevets (allemand, anglais et français) en tant que langue de procédure pour la ou les division(s) locale(s) implantée(s) sur son territoire. Tous les États concernés ont alors choisi de prévoir l’anglais en tant que langue de procédure autorisée devant leur(s) division(s) locale(s), en complément à chaque fois d’au moins une langue officielle locale, comme l’impose l’article 49 § 1 de l’AJUB. Seule la division régionale nordique-baltique utilise exclusivement l’anglais, comme le permet ce même article.

L’allemand est quant à lui utilisé dans plus d’un tiers des procédures à ce jour, du fait sans doute du nombre de divisions locales allemandes et autrichienne (on compte quatre divisions locales en Allemagne, qui est le seul pays à posséder plus d’une division locale) et du dynamisme de l’écosystème allemand en matière de brevets. L’allemand était d’ailleurs la langue de procédure la plus utilisée dans les premiers mois d’existence de la JUB.

Bien entendu, les procédures menées en allemand n’impliquent pas que des personnes physiques ou morales domiciliées en Allemagne ou en Autriche ; au contraire, des défendeurs venus des quatre coins du monde peuvent se trouver ainsi impliqués dans des procédures en langue allemande. Cette situation, peut-être moins attendue, est permise par la règle 14 § 2 a) du règlement de procédure de la JUB qui, dans la plupart des cas, donne au demandeur à l’action le choix de la langue de procédure parmi celles autorisées devant la division locale où l’action est engagée.

La seule exception serait celle d’un défendeur qui ne commettrait des actes argués de contrefaçon que dans l’État contractant où il est domicilié : la règle 14 § 2 b) (à lire de préférence dans sa version anglaise) prévoit alors l’utilisation de la langue officielle de cet État contractant, ou de la langue régionale du défendeur. Ainsi, la plupart du temps, c’est plutôt le demandeur à l’action qui décide de la langue de procédure devant une division locale.

Dans l’affaire ACT_581538/2023 par exemple, le demandeur à l’action a choisi le néerlandais pour assigner devant la division locale de Bruxelles un fabricant espagnol et son distributeur belge (domicilié en région wallonne). Comme le prévoit l’article 49 § 5 AJUB, les défendeurs ont demandé un changement de la langue de procédure au profit de l’anglais (langue de délivrance du brevet européen concerné), en vain.

Pour être complet, il faut relever que, dans cette situation, le défendeur peut demander une traduction du mémoire en demande conformément au droit de l’Union (règlement UE 2020/1784, article 12, § 2 et 3) repris dans la règle 271 § 7 du règlement de procédure de la JUB.

Point pratique important d’ailleurs : en cas de refus de la signification par le défendeur au motif qu’il ne comprend pas la langue dans laquelle est rédigé le mémoire en demande, ce n’est qu’à partir de la remise d’une traduction du mémoire en demande que commence à courir le (court) délai de 3 mois imparti au défendeur pour déposer son mémoire en défense.