Après la décision DABUS de l'OEB, la décision de l’US Federal Circuit, la Cour fédérale allemande des brevets et a Haute Cour australienne, c'est maintenant au tour de la Cour suprême du Royaume-Uni de décider si une IA peut être désignée comme inventrice dans une demande de brevet.
L'OEB, la Cour suprême des États-Unis et la Cour fédérale allemande des brevets ont été particulièrement clairs en affirmant que la loi envisage seulement la désignation d'une personne en tant qu'inventeur, et non une machine ou un algorithme (mais il convient de noter qu'une affaire parallèle en Afrique du Sud a été couronnée de succès).
La Cour suprême du Royaume-Uni a récemment entendu, le 2 mars 2023, l'appel du Dr Thaler contre le rejet par la Cour d'appel de son recours contre le Controller of Patents. Comme dans les affaires parallèles, la Cour suprême du Royaume-Uni a motivé sa décision, d'une part, par le fait que seule la personnalité juridique peut transférer ou céder des droits et, d'autre part, par le fait que l'évaluation de la non-évidence pour une IA est un processus complètement différent de celui impliqué par un inventeur humain.
Au-delà de l'affaire spécifique portée devant les tribunaux britanniques, la question est très intéressante et risque de bouleverser la manière dont nous abordons la propriété intellectuelle.
En fait, le fonctionnement d'une IA qui invente un nouveau dispositif ou un nouveau produit est pour l'instant piloté par l'homme, et il ne semble donc pas juste d'attribuer des droits à une IA, qui est à son tour détenue par des personnalités juridiques.
Mais même en supposant que la disposition spécifique relative à la personnalité juridique soit supprimée de la loi, les conséquences ne porteraient pas uniquement sur le nom de l'inventeur. Puisque l’activité inventive doit être évaluée, à quoi ressemblerait l'homme du métier ? En fait, il semble naturel de comparer des moyens similaires, et nous serions donc amenés à remplacer l’homme du métier par une autre IA.
Cette "IA compétente" aurait alors des capacités croissantes et les offices de brevets du monde entier devraient alors mettre en œuvre des programmes d'évaluation de l'activité inventive dont la qualité et l'étendue évolueraient avec une IA réelle et améliorée. Y aurait-il alors deux voies distinctes pour les inventions humaines, et les inventions non humaines, devant les offices ? Des hommes du métier classiques fictifs et des hommes du métier qualifiés réels s’appuyant sur une IA ?
Ce serait déjà très compliqué, mais qu'en est-il des équivalents ? Un algorithme analytique serait-il équivalent à une IA spécifique et vice versa, étant donné qu'il est toujours possible de récupérer des données provenant de sources de données communes, voire du même algorithme analytique, et d'entraîner une IA à produire des résultats similaires ? Ou bien ces deux types de données seraient-ils dissociés devant la Cour ?
L'invention attribuée à une IA n'est donc pas un problème secondaire, car il s'agit bien d'une autre porte d'entrée pour des situations plus importantes et perturbatrices qui peuvent potentiellement avoir un impact considérable sur la manière dont nous traitons les activités humaines et non humaines.
Nous devrons prendre des décisions réfléchies en tant que société et espèce.