3 juillet 2024 Jnews Miriam Mangieri

Un produit de maquillage qui plonge ses racines dans l'antiquité, confirmant la passion éternelle des femmes pour la décoration des ongles. Son histoire, culminant au XXe siècle, se poursuit jusqu'à aujourd'hui, marquée par des innovations continues. D'où la nécessité de protéger les marques, les formules et les emballages. Allure en parle avec Miriam Mangieri , conseillère chez Jacobacci & Partners.

Entre rang social et récits 

Pour décorer et colorer les ongles, les anciens peuples utilisaient des mélanges, ancêtres des vernis modernes. En Inde, par exemple, il y a 5000 ans, on utilisait du henné, tandis qu'en Chine, on employait une substance composée de gomme arabique, de gélatine et de cire d'abeille, avec des fleurs ajoutées pour la couleur. Vers 1500 av. J.-C., cette pratique atteignit l'Égypte et la Mésopotamie, où apparurent les premières peintures à ongles, fabriquées avec du soufre et d'autres substances. Le choix de la couleur appliquée sur l'ongle était lié au rang social et permettait d'identifier la classe sociale des femmes. Plus la couleur était intense, plus le statut social était élevé. Ainsi, les teintes vives (rouge) étaient réservées aux femmes les plus influentes, tandis que les couleurs plus claires (rose) indiquaient une classe sociale moyenne. La décoration des ongles pouvait également avoir une fonction narrative : les Incas réalisaient des miniatures représentant des moments de la vie quotidienne. Le Moyen Âge fut une époque d'interdictions : les rares femmes qui utilisaient le vernis à ongles étaient accusées de sorcellerie et de vanité. L'usage du vernis reprit ensuite à la Renaissance, pour ne plus être abandonné.

Les premiers vernis au XXe siècle

Tout au long de l'histoire, diverses techniques ont été adoptées pour créer des mélanges et des peintures pour les ongles, mais c'est seulement au XXe siècle que sont nés les premiers vernis, ancêtres de ceux d'aujourd'hui. Avant 1930, pour faire briller les ongles, on utilisait des poudres polissantes incluant des cires, puis dissoutes dans des solvants volatils qui s'évaporaient une fois appliqués sur l'ongle. Les cires polissantes liquides sont considérées comme les premiers vernis utilisant un solvant pour former un film protecteur et brillant sur l'ongle. Puis vinrent les vernis liquides à base de nitrocellulose, de peintures et de laques : aux premiers, incolores ou pâles, succédèrent des nuances plus vives grâce à l'ajout de pigments colorés, comme les oxydes de fer. Une étape cruciale fut marquée par la marque Cutex, fondée par Northam Warren. Son premier produit fut un dissolvant liquide pour cuticules, suivi d'un vernis liquide lancé dans les années 1920. Composé d'une petite bouteille scellée et d'un pinceau pour l'application, la marque fut rapidement protégée par des dépôts auprès de l'Office américain des brevets et des marques (USPTO), comme le n°71059730 Cutex, déposé le 15 novembre 1911 et confirmé le 23 avril 1912 en classe 3 pour "cuticle remover in liquid form". De nombreuses autres enregistrements Cutex témoignent de l'importance de cette entreprise au siècle dernier.  

Le progrès continue… 

Une autre pionnière du secteur fut la Revlon Nail Enamel Company, fondée en 1932 par Charles et Joseph Revson et Charles Lachman. L'entreprise, aujourd'hui connue pour une large gamme de cosmétiques, a commencé par produire des vernis à ongles. Contrairement à Cutex, Revlon a amélioré la formulation des vernis en introduisant des pigments à la place des colorants, et des vernis de différentes tonalités vives, inspirés des laques utilisées pour peindre les automobiles de l'époque. Revlon est également connue pour avoir lancé, en 1939, la mode de coordonner la couleur du rouge à lèvres avec celle des ongles, une idée que Cutex avait tenté de diffuser quelques années plus tôt, mais avec moins de succès. Grâce à ses campagnes publicitaires, le vernis devint un accessoire de mode indispensable dans la routine beauté des femmes de l'époque. Cette tendance incita les fabricants de vernis à créer de nouvelles couleurs selon les saisons, encourageant ainsi les femmes à acheter les teintes tendance avant que l'offre précédente ne soit épuisée. Dans ce contexte, d'autres entreprises américaines comme Peggy Sage et Glazo, également de Northam Warren, se sont imposées. Pour faire face à la concurrence de Revlon, Peggy Sage s'associa avec d'autres marques de cosmétiques américaines, associant ses vernis aux teintes de rouges à lèvres produites par ces dernières, élargissant ainsi son public potentiel. Par des slogans publicitaires accrocheurs et le lancement de nouvelles couleurs, ces marques émergentes cherchaient à s'imposer sur le marché et à acquérir du pouvoir de vente.

Une anecdote : en 1930, un accord général sur les caractéristiques du vernis liquide idéal stipulait qu'il devait être facile à appliquer, sécher rapidement, résister aux éclats et à l'abrasion, être imperméable, avoir une couleur uniforme et une odeur agréable. En réalité, les produits de l'époque manquaient souvent d'adhérence, pouvaient tacher l'ongle, prenaient beaucoup de temps à sécher et n'étaient pas agréables à l'odorat. Peu d'attention était accordée à la formulation pour préserver la santé. Au fil du temps, des progrès ont été réalisés non seulement dans la composition des vernis, mais aussi dans leur conditionnement. Les premiers vernis, assez rudimentaires, étaient scellés avec un bouchon en liège pour éviter l'évaporation du solvant. De plus, le pinceau n'était pas intégré au bouchon, mais séparé. On est ensuite passé à des bouteilles avec un couvercle à vis et des pinceaux de meilleure qualité, garantissant une application plus facile. Outre le vernis, deux produits complémentaires, bases et top coat, apparurent dans les années 1940 pour améliorer l'adhérence du vernis et réduire les taches sur l'ongle. La différence de consistance entre ces produits et les vernis était due à la quantité d'ingrédients. La base contenait plus de résine pour une meilleure adhérence et moins de fissures, tandis que le top coat avait plus de plastifiant et de nitrocellulose pour améliorer la brillance et la durabilité. Revlon avec la marque Prolon et Elizabeth Arden avec Nail Protecta furent les premiers à les lancer.

… et doit être rigoureusement protégé 

Les innovations liées aux vernis, qu'elles concernent la composition ou le contenant, ont été protégées au fil des ans par les outils de la propriété intellectuelle. De nombreuses marques et brevets dans le secteur, aujourd'hui déchus, témoignent de l'importance de ces instruments juridiques dans le lancement de nouveaux produits. Le dépôt de marques protégeait à la fois le logo principal de l'entreprise (comme Cutex et Revlon) et le nom de chaque nouvelle nuance de vernis. Revlon fut particulièrement active en nommant chaque couleur lancée sur le marché. Les brevets étaient également essentiels pour protéger les formules de plus en plus sophistiquées des vernis et les flacons. Par exemple, le brevet n°4097589 déposé le 27 juin 1978 à l'USPTO concernait "un vernis liquide qui confère une meilleure flexibilité à l'ongle humain et inhibe sa rupture lorsqu'il est appliqué comme revêtement". Un autre, en 1936, protégeait une bouteille avec l'image du produit appliqué sur l'ongle ou, dans d'autres cas, sa forme particulière.

Les inventions associées aux vernis, comme les faux ongles destinés à ceux qui avaient des ongles courts, fragiles ou mal entretenus, sont également protégées par des brevets. Par exemple, en 1934, le dentiste Maxwell Lappe breveta (n°3277900) "une méthode pour appliquer un ongle artificiel et protéger le tissu environnant des compositions irritantes du revêtement appliqué". Le docteur Fred Slack, un autre dentiste renommé dans le secteur, perfectionna la technique de modelage des ongles avec un brevet du 18 mai 1955 pour son "Dispositif pour allonger les ongles". Aujourd'hui encore, les entreprises cosmétiques continuent d'investir dans la recherche et l'innovation pour créer des formules de pointe répondant aux exigences des consommateurs et rendre les vernis des accessoires emblématiques et à la mode, grâce à des noms attrayants et des emballages originaux. Dans ce contexte, les outils de la propriété intellectuelle, tels que les marques et les brevets, sont essentiels pour accroître le potentiel des marques et protéger les innovations contre la contrefaçon.

Traduction de David Devic