23 octobre 2023 Jnews Luca Mariani

La période 2022-2023 a stimulé la transition des entreprises dans divers domaines, allant de l'approvisionnement énergétique à celui financier, du profil de communication au profil d’identité et à la dimension socioculturelle. Le monde post-pandémique et militariste nous a catapultés d’un marché sans frontières des 30 dernières années vers un nouveau système économique rempli de risques géostratégiques.

L’information et la transparence sont des principes qui s'appliquent en entreprise non seulement sur le plan financier, mais aussi sur le plan de la performance environnementale, sociale et d'entreprise - ce qui est aujourd'hui résumé par l'acronyme ESG (Environmental, social and corporate governance).

Il existe des agences de notation ESG qui mesurent - principalement par l'acquisition et le traitement de données publiques - l'impact des entreprises sur l'écosystème, la société, les communautés locales, ainsi que sur la vie des travailleurs et de leurs familles.

Outre l'indice ESG, les entreprises smart se consacrent également à la narration des nouveaux médias de communication (en particulier des réseaux sociaux) pour influencer le choix de leurs clients et investisseurs. Les entreprises, qui s'engagent à minimiser ou à neutraliser leur impact environnemental, collectent plus facilement des ressources et de l'appréciation du public, en particulier parmi les millennials (nés entre 1981 et 1996) qui sont orientés vers des alternatives durables.

Cependant, pour faire un choix éclairé au moment de l'achat, un certain degré d’information est inévitable. Par exemple, tout le monde ne connaît pas la signification des allégations dites vertes - en anglais, les green claims - qui sont de plus en plus courantes dans la communication des entreprises.

Parmi les plus récurrentes, on trouve les deux expressions « neutralité carbone » et « compensation carbone », que les consommateurs ont tendance à considérer comme équivalentes alors qu'elles expriment deux concepts différents.

L'objectif de la « neutralité carbone » se concrétise par l'engagement de l'entreprise à équilibrer les émissions de gaz à effet de serre avec celles absorbées. L';absorption du dioxyde de carbone de  l'atmosphère - appelée séquestration du carbone – s’obtient en favorisant le développement d'écosystèmes qui captent naturellement le CO2, par exemple en soutenant financièrement des projets de plantation d'arbres ou de reforestation.

L'initiative de « compensation carbone » prévoit quant à elle que l'entreprise impliquée compense ses propres émissions de CO2, générées dans un secteur anthropique donné, par des initiatives visant à réduire la pollution atmosphérique dans un domaine de production différent. Cet objectif peut être atteint grâce à des investissements dans les énergies renouvelables, l'efficacité énergétique ou d'autres technologies à faibles émissions de carbone.

Toutefois, tous les acteurs du marché ne sont pas irréprochables dans la communication des informations concernant leur empreinte verte, qui, si elles sont utilisées de manière inappropriée, peuvent injustement favoriser certaines entreprises. Le risque dans ces cas est de tomber dans le greenwashing, c'est-à-dire une forme trompeuse de marketing où l'on véhicule le message que les produits, les objectifs et les politiques d'une organisation sont respectueux de l'environnement, alors que ce n'est pas le cas en réalité.

De plus en plus souvent, en effet, les entreprises annoncent avoir entrepris des initiatives écologiques, accompagnées d'indications générales et interprétables sur la durabilité de leurs produits ou services. Le risque est que le flou des déclarations puisse induire le consommateur en erreur, le convainquant de préférer tel article plutôt qu';un autre sur la base de prétendues qualités qui en réalité correspondent seulement partiellement ou pas du tout à la réalité.

À cet égard, une statistique récemment publiée par l'Office de l'Union européenne de la propriété intellectuelle (EUIPO) est intéressante, selon laquelle le nombre de demandes d'enregistrement de marques composées d'éléments renvoyant à la sphère conceptuelle de l'écologie et de la durabilité a considérablement augmenté ces dernières années, passant d'environ 12 000 en 2018 à plus de 18 700 en 2021.

Les entreprises ont donc appris à naviguer sur la crise climatique en mettant l'accent sur le pouvoir attractif des produits et services à faible impact environnemental. Cependant, certaines décisions récentes en matière de marques ont mis en lumière la face sombre de la cause environnementale et les risques auxquels les entreprises peuvent s'exposer, avec le risque de subir des échecs médiatiques retentissants.

Dans une décision récente, la Cour de justice de l'Union européenne a jugé que le slogan "Sustainability through Quality" ne pouvait pas être enregistré en tant que marque de l'Union européenne pour les produits des classes 7 (moteurs), 9 (logiciels pour ordinateurs) et 16 (produits de l’imprimerie et articles de papeterie). Le rejet a été motivé par l'absence de caractère distinctif et des exigences permettant au slogan d’être identifié comme une véritable marque.

Les slogans sont exclus de l'enregistrement lorsque le public les perçoit comme des phrases banales à des fins publicitaires. En revanche, ils peuvent être protégés en tant que marques si le consommateur moyen peut établir un lien entre la formule promotionnelle et l'origine entrepreneuriale des produits ou services en question. En pratique, un slogan devient distinctif lorsqu'il contient un jeu de mots, un double sens, une énigme, un élément inattendu, une formule qui incite le lecteur à un effort interprétatif ou des figures de rhétorique.

Dans le cas d'espèce, la Cour de justice a confirmé que le slogan "Sustainability through Quality" est un simple message qui, sans jeu de mots particulier, fait la promotion du fait que la qualité d'un produit détermine également sa durabilité. Une phrase dont le seul but est de louer et de promouvoir les propriétés écologiques d'un produit ne peut pas être qualifiée de marque.

Un autre cas marquant - mais qui s'est résolu positivement pour la maison de couture en question - concerne l'action collective intentée contre H&M pour sa collection "Conscious Choice". Les plaignants prétendaient que, bien que ses vêtements soient fabriqués selon des procédés non écologiques et avec des matériaux non recyclables, la maison de couture utilisait de manière inappropriée une formule promotionnelle  écologique. Néanmoins, le tribunal de district du Missouri, devant lequel la procédure a été engagée, s'est prononcé en faveur de H&M en affirmant qu'un consommateur raisonnable n'interprète pas "Conscious Choice" comme une indication de la durabilité environnementale des produits correspondants.

Les cas mentionnés fournissent une leçon aux entrepreneurs qui envisagent d'enregistrer et d'utiliser un slogan ou une marque « verte » : la prudence est de mise lorsque les questions environnementales sont introduites dans les initiatives commerciales de l'entreprise, et un avis préliminaire d'un conseil en propriété industrielle peut être utile pour éviter d'éventuels problèmes faisant suite au dépôt.

 

 

Traduction David DEVIC