En parallèle du "brevet européen à effet unitaire", brevet unique couvrant tous les pays européens participants, une "Juridiction Unifiée des Brevets" est instituée pour trancher les litiges impliquant un brevet unitaire sur l'ensemble du territoire qu'il couvre.
La contrefaçon, si elle est reconnue, pourra être sanctionnée pour l'ensemble des pays couverts par le brevet. Réciproquement, en cas d’annulation du brevet, celui-ci sera annulé dans l’ensemble des pays qu'il couvre et pas uniquement dans le pays où la nullité a été demandée.
Cette Juridiction Unifiée aura également une compétence non exclusive pour toutes les parties nationales des brevets européens dans les pays participants, y compris les brevets européens délivrés avant l'entrée en vigueur de l'accord, à moins que le titulaire du brevet européen décide d'écarter la compétence de la Juridiction Unifiée pour son brevet.


european-bookLes 10 et 11 décembre 2012, le Conseil de compétitivité de l'Union Européenne, réunissant les ministres de l’industrie européens, puis le Parlement européen ont donné leur accord sur la création d'un "brevet européen à effet unitaire". Un accord sur une Juridiction Unifiée du brevet a été signé le 19 février 2013 par 24 états membres de l'Union Européenne, complétant ainsi le "paquet brevet" pour la mise en œuvre du brevet unitaire. Le brevet unitaire est attendu pour le second semestre 2022.

Actuellement, le titulaire d’un brevet européen doit engager une action en justice devant la juridiction compétente de chaque Etat membre où son brevet a été validé. Le Règlement "Bruxelles I" lui laisse le choix de porter le litige devant le tribunal du domicile du défendeur ou devant le tribunal du lieu de la contrefaçon c'est-à-dire du lieu du dommage. Contrairement aux actions fondées sur un enregistrement "communautaire" (ou européen) de marque ou de modèle, il n'est pas possible d'obtenir une interdiction sur l'ensemble du territoire européen face à une contrefaçon d'un brevet européen.

Pour remédier à cela, une juridiction européenne unifiée des brevets (JUB) est instituée, dont les décisions sont applicable sur l’ensemble du territoire des Etats signataires de l'accord relatif à une juridiction unifiée en matière de brevets.

Seuls les Etats membres de l'Union Européenne peuvent adhérer à cet accord qui entrera en vigueur en même temps que le brevet unitaire.

Compétence de la Juridiction Unifiée. Cette juridiction a compétence pour régler les litiges relatifs aux :

  • brevets européens à effet unitaire (brevets européens unitaires) ;
  • certificats complémentaires de protection (CCP) basés sur un brevet européen unitaire ou sur un brevet européen ;
  • brevets européens ;
  • demandes de brevets unitaires ou de brevets européens.

La compétence de la Juridiction Unifiée est exclusive.

En cas d’annulation, le brevet sera annulé dans l’ensemble des pays qu'il couvre et pas uniquement dans le pays où la nullité a été demandée.

Toutefois, l’Accord prévoit une période transitoire de sept ans durant laquelle les juridictions nationales demeurerons compétentes en matière de brevets européens. Le titulaire d’un brevet européen déposé avant la fin de cette période peut exclure, par une déclaration de dérogation, la compétence de la Juridiction Unifiée pour son brevet (« opt-out »). Il pourra ensuite, éventuellement, revenir sur cette décision (« opt-in ») tant qu'aucune action n'est engagée sur le brevet concerné. Cette option ne concerne que les brevets européens, pas les brevets européens à effet unitaire (en raison précisément du caractère untaire de ces derniers).

La dérogation comme son retrait prennent effet à compter de leur inscription au greffe. Une période de sunrise est prévue avant l'entrée en vigueur du système, durant laquelle il sera possible de préinscrire les déclaration de dérogation (« opt-out »). Cette inscription anticipée sera en pratique d'une grande utilité aux titulaires de brevets souhaitant opter pour la dérogation, en leur permettant d'éviter qu'au jour de l'entrée en vigueur du système, un tiers puisse contester un brevet devant la juridiction unifiée sans que l'option pour la dérogation ait eu le temps d'être inscrite par le greffe.

On notera enfin que la juridiction Unifiée n'est pas compétente pour les actions suivantes :

  • les actions impliquant un brevet national ou un brevet européen pour lequel la compétence de la Juridiction Unifiée a été écartée (« opt-out »),
  • les actions en revendication de propriété du brevet,
  • les actions portant sur la rémunération d'une invention de salarié,
  • les actions contractuelles,
  • les actions en concurrence déloyale connexe.

Organes composant la Juridiction. La juridiction unifiée en matière de brevets comprend un tribunal de première instance, une cour d'appel et un greffe. Le tribunal de première instance dispose d'une division centrale (avec un siège à Paris et deux sections à Londres et Munich) ainsi que de plusieurs divisions locales et régionales dans les Etats membres parties à l'accord. La cour d'appel a son siège à Luxembourg.

Répartition de compétence des divisions. Les divisions locales peuvent être choisies par le demandeur en application du Règlement "Bruxelles I" (lieu du dommage ou du domicile d'un défendeur).

Pour les affaires portées devant la division centrale, la répartition des affaires dépendra de leur position dans la classification technique internationale :

  • Londres sera compétente pour les nécessités courantes de la vie (chaussures, cintres...), la chimie et la métallurgie ;
  • Munich connaîtra des affaires de mécanique, éclairage, chauffage, armement et saurage ;
  • Paris, enfin, traitera les autres affaires, c'est-à-dire les techniques industrielles, les transports, le textile, le papier, la construction, la physique et l'électricité (y compris notamment l'optique, l'électronique et les télécoms).

La division centrale a compétence exclusive pour : les demandes de nullité des brevets à titre principal et les demandes en déclaration de non-contrefaçon. Les divisions locales seront toutefois compétentes pour statuer sur une demande de nullité à titre reconventionnel.

Si une partie saisit une division centrale d'une demande en déclaration de non-contrefaçon, le titulaire du brevet dispose d'un délai de trois mois pour saisir une division locale d'une demande de contrefaçon et la division centrale sera alors contrainte de surseoir à statuer. Le titulaire du brevet peut ainsi choisir la division locale qui lui convient le mieux et éviter que le contrefacteur ne "torpille" son choix en initiant le premier le procès devant la division centrale.

Une division locale saisie d'une demande de contrefaçon peut, face à une demande reconventionnelle en nullité :

  • statuer sur l'ensemble des demandes ;
  • saisir la division centrale de la demande en nullité du brevet et surseoir à statuer sur la contrefaçon ;
  • renvoyer tout le dossier à la division centrale.

Langue. La langue utilisée pour le procès est :

  • auprès des divisons locales, celle du pays où se trouve la division ;
  • auprès de la division centrale, la langue de la procédure de délivrance du brevet, sachant que 75 % des brevets européens sont déposés en anglais, 20 % en allemand et 5 % en français.

Mesures probatoires et provisoires. La juridiction unifiée pourra prendre des mesures probatoires (semblables à la saisie-contrefaçon française) et des mesures d'interdiction.

Entrée en vigueur. Le système du brevet unitaire devrait entrer en vigueur dans les prochains mois, à la date d'entrée en vigueur de l'accord sur une juridiction unifiée du brevet. L'accord sur la Juridiction Unifiée entrera en vigueur quand il aura été ratifié par 13 Etats membres (dont la France, l'Allemagne et le Royaume-Uni).

Exclusion de certains Etats. Certains Etats ont refusé de participer au système :

  • l'Espagne s'est exclue de l'ensemble du système ;
  • la Pologne a adhéré au brevet unitaire mais pas à l'accord sur la juridiction unifiée;
  • la Croatie n'a pas encore adhéré au brevet unitaire ni à l'accord sur la juridiction unifiée, mais pourrait le faire prochainement.