En parallèle du "brevet européen à effet unitaire", brevet unique couvrant tous les pays européens participants, une "Juridiction Unifiée du Brevet" est instituée pour trancher les litiges impliquant les brevets européens dans ces mêmes pays.
La contrefaçon, si elle est reconnue, pourra être sanctionnée pour l'ensemble des pays participants. Réciproquement, en cas d’annulation du brevet, celui-ci sera annulé dans l’ensemble des pays participants.
Les 10 et 11 décembre 2012, le Conseil de compétitivité de l'Union Européenne, réunissant les ministres de l’industrie européens, puis le Parlement européen ont donné leur accord sur la création d'un "brevet européen à effet unitaire". Un accord sur une Juridiction Unifiée du Brevet a été signé le 19 février 2013 par 24 états membres de l'Union Européenne, complétant ainsi le "paquet brevet" pour la mise en œuvre du brevet unitaire.
À la suite d’une nouvelle décennie de négociation, la Juridiction Unifiée du Brevet est entrée en vigueur le 1 juin 2023.
Le système antérieur Dans le système antérieur, le titulaire d’un brevet européen devait engager une action en justice devant la juridiction compétente de chaque Etat membre où son brevet a été validé. Le Règlement "Bruxelles I" lui laissait le choix de porter le litige devant le tribunal du domicile du défendeur ou devant le tribunal du lieu de la contrefaçon (c'est-à-dire du lieu du dommage).
La Juridiction Unifiée du Brevet Pour remédier à cela, la Juridiction Unifiée du Brevet (JUB) est instituée, dont les décisions sont applicables sur l’ensemble du territoire des Etats signataires de l'accord relatif à une juridiction unifiée en matière de brevets.
Cette nouvelle juridiction supranationale permet aux titulaires de brevets européens d’invoquer leurs brevets, et aux tiers d'obtenir la révocation des brevets, dans tous les Etats participants.
Compétence de la Juridiction Unifiée. Cette juridiction a compétence pour régler les litiges relatifs aux :
- brevets européens à effet unitaire (brevets européens unitaires) ;
- certificats complémentaires de protection (CCP) basés sur un brevet européen unitaire ou sur un brevet européen ;
- brevets européens ;
- demandes de brevets unitaires ou de brevets européens.
La compétence de la Juridiction Unifiée est exclusive.
En cas de nullité, le brevet sera annulé dans l’ensemble des pays participants à la JUB.
Toutefois, l’Accord prévoit une période transitoire durant laquelle les juridictions nationales demeureront également compétentes en matière de brevets européens non-unitaires. Le titulaire d’un brevet européen peut exclure, par une déclaration de dérogation, la compétence de la Juridiction Unifiée pour son brevet non-unitaire (« opt-out »).
On notera enfin que la juridiction Unifiée n'est pas compétente pour les actions suivantes:
- les actions impliquant un brevet national ou un brevet européen pour lequel la compétence de la Juridiction Unifiée a été écartée (« opt-out »),
- les actions en revendication de propriété du brevet,
- les actions portant sur la rémunération d'une invention de salarié,
- les actions contractuelles,
- les actions en concurrence déloyale connexe.
Jugement en un an. La procédure doit être menée pour permettre normalement la tenue de l’audience finale sur les questions de contrefaçon et de validité en première instance dans un délai d’un an.
Organes composant la Juridiction. La juridiction unifiée du brevet comprend un tribunal de première instance, une cour d'appel et un greffe. Le tribunal de première instance dispose d'une division centrale (avec un siège à Paris et deux sections à Munich et Milan) ainsi que de plusieurs divisions locales et régionales dans les Etats participants. La cour d'appel a son siège à Luxembourg.
Répartition de compétence des divisions. Les divisions locales peuvent être choisies par le demandeur en fonction du lieu du dommage ou du domicile d'un défendeur.
Pour les affaires portées devant la division centrale, la répartition des affaires dépendra de leur position dans la classification technique internationale :
- Milan sera compétente pour les nécessités courantes de la vie;
- Munich connaît des affaires de mécanique principalement, mais aussi de la chimie et de la métallurgie;
- Paris, enfin, traite les autres affaires, c'est-à-dire les techniques industrielles, les transports, le textile, le papier, la construction, la physique et l'électricité (y compris notamment l'optique, l'électronique et les télécoms). Elle devrait également statuer sur les certificats complémentaires de protection.
La division centrale a compétence exclusive pour les demandes de nullité des brevets à titre principal et les demandes en déclaration de non-contrefaçon. Les divisions locales sont toutefois compétentes pour statuer sur une demande de nullité à titre reconventionnel.
Si une partie saisit une division centrale d'une demande en déclaration de non-contrefaçon, le titulaire du brevet dispose d'un délai de trois mois pour saisir une division locale d'une demande de contrefaçon et la division centrale sera alors contrainte de surseoir à statuer. Le titulaire du brevet peut ainsi choisir la division locale qui lui convient le mieux et éviter que le contrefacteur ne "torpille" son choix en initiant le premier le procès devant la division centrale.
Une division locale saisie d'une demande de contrefaçon peut, face à une demande reconventionnelle en nullité:
- statuer sur l'ensemble des demandes;
- saisir la division centrale de la demande en nullité du brevet et surseoir à statuer sur la contrefaçon;
- renvoyer tout le dossier à la division centrale.
Langue. La langue utilisée pour le procès est :
- auprès des divisons locales, celle du pays où se trouve la division et éventuellement toute autre langue acceptée (généralement l’anglais) ;
- auprès de la division centrale, la langue de la procédure de délivrance du brevet, sachant que 75 % des brevets européens sont déposés en anglais, 20 % en allemand et 5 % en français.
Mesures probatoires et provisoires. La juridiction unifiée peut prendre des mesures probatoires (semblables à la saisie-contrefaçon française) et des mesures d'interdiction.
Exclusion de certains Etats. Certains Etats ont refusé de participer au système :
- l'Espagne s'est exclue de l'ensemble du système ;
- la Pologne a adhéré au brevet unitaire mais pas à l'accord sur la juridiction unifiée;
- la Croatie n'a pas encore adhéré au brevet unitaire ni à l'accord sur la juridiction unifiée, mais pourrait le faire prochainement.