Inventeur. Un inventeur désigné comme tel dans une demande de brevet est nécessairement une personne physique. Il ne peut pas s'agir d'une personne morale telle qu'une entreprise. Plusieurs inventeurs peuvent être désignés : si l'invention est le fait d'une équipe, sa paternité revient alors à la pluralité de personnes physiques qui la compose et chacune d'entre elles doit être désignée comme inventeur dans le brevet.
La désignation du ou des inventeurs dans une demande de brevet est un acte juridique dont les conséquences juridiques et financières sont loin d'être neutres. Il est essentiel de désigner dans le brevet le ou les véritables inventeurs, car une fausse désignation peut avoir pour conséquence juridique la perte du brevet. Aux Etats-Unis en particulier, le fait d’omettre intentionnellement le nom d’une personne qui est inventeur ou le fait d’identifier sciemment comme inventeur une personne qui a simplement collaboré aux travaux de recherche ou le dirigeant opérationnel d'une entité peut entraîner l’invalidation d’un brevet.
Qui doit-on alors mentionner comme inventeur ? La qualité d’inventeur n'est pas laissée à la libre appréciation du déposant, mais a au contraire une signification juridique stricte au sens des lois et des règlements régissant les brevets dans chaque pays. La déclaration de la qualité d’inventeur se fait de façon objective, indépendamment de tout critère honorifique amical, hiérarchique ou financier.
Nous proposons la tentative de définition suivante.
Un inventeur est une personne qui a contribué à la conception de l’invention telle qu’elle est revendiquée dans les revendications principales ou secondaires (nouvelle combinaison de moyens, nouvelle application d’un moyen connu, etc.) ou au moins à un de ses éléments essentiels apportant une contribution inventive à l'état de la technique.
La qualité d’inventeur est en rapport avec les revendications du brevet : chaque inventeur doit être associé à au moins une des revendications. Une personne peut donc perdre sa qualité d’inventeur pendant la poursuite d’une demande de brevet (bien que cela soit très rare en pratique et difficile à mettre en oeuvre). En effet, si dans une demande de brevet en instance, la seule revendication liée à un inventeur donné tombe, le nom de cette personne devrait disparaître de la liste des inventeurs.
L'inventeur n'est pas celui qui a seulement une idée générale. C'est celui qui transforme l'idée en une combinaison de moyens répondant à un problème technique spécifique. La loi des Etats-Unis sur les brevets utilise l'expression "reduction to practice"). Seul a la qualité d’inventeur celui qui s’est personnellement impliqué dans la réalisation de l'invention. Il y a là une différence avec la pratique des publications scientifiques, dans lesquelles figurent habituellement, parmi les auteurs, le responsable scientifique qui a donné des orientations d’ordre général.
A l’opposé, les intervenants développant l'invention postérieurement à la conceptualisation de ses moyens essentiels ne sont pas considérés comme des inventeurs. Concrètement, on considère généralement que l'invention est achevée avant la réalisation d'un prototype ou des expérimentations, dès lors que sont identifiés les principes permettant à l’homme du métier de mettre en oeuvre l'invention avec des efforts de développement raisonnables, mais sans efforts de recherches ni d'expérimentations approfondies.
Par conséquent, ne peuvent pas être considérés comme des inventeurs :
- un exécutant qui suit simplement les instructions de l'inventeur,
- un commanditaire, manager ou encore un directeur de recherche qui finance et/ou fixe des objectifs généraux de l'invention à réaliser sans s'impliquer directement dans sa réalisation, même si dans les publications scientifiques figurent habituellement, parmi les auteurs, le responsable scientifique,
- uun collègue ou un fournisseur qui fournit des informations d'ordre général ou simplement du matériel,
- un collègue ou un prestataire qui réalise des modifications, des mises au point ou des dessins n'impliquant pas d'activité inventive.
Dans les situations où il est difficile de préciser qui sont les réels inventeurs, comme par exemple lorsque l'invention est le fruit d'un brainstorming, la prudence juridique peut amener à nommer comme inventeur toute personne qui est susceptible d'avoir fourni une idée permettant la conception de l'invention. Seules les personnes ne s'étant pas prononcées pourront être écartées du statut d'inventeur sans aucune ambiguïté. Les comptes-rendus de réunions devraient à cet égard être convenablement renseignés, validés par les participants et archivés.
Droit à la propriété du brevet. Le droit à la propriété du brevet appartient à l'inventeur ou à l'équipe inventrice. L'inventeur ou la pluralité d'inventeurs peut céder son droit au brevet à une ou plusieurs autres personnes physiques ou morales.
Le propriétaire ou titulaire du brevet peut donc être :
- le ou les inventeurs ou
- une ou plusieurs autre personnes, physiques ou morales, acquérant de l'inventeur le droit sur le brevet, ou
- conjointement un ou plusieurs inventeurs et une ou plusieurs autres personnes physiques ou morales.
Ainsi le brevet peut-il être obtenu au nom d'une entreprise (par exemple un partenaire ou un employeur) qui a obtenu de l'inventeur une cession écrite de l'invention.
Dans la plupart des pays, la demande de brevet peut être déposée directement au nom du cessionnaire des droits, sous réserve, dans certains cas, de justification de cette cession. Aux Etats-Unis toutefois, la demande de brevet ne peut être initialement déposée qu'au nom du ou des inventeurs, personnes physiques ; elle peut ensuite être cédée en application de dispositions contractuelles telles qu'un contrat de louage d'ouvrage ou de service (par exemple un contrat de travail) à un ou plusieurs cessionnaires, personnes physiques ou morales, devenant alors le ou les propriétaires investis des droits exclusifs d'exploitation.
La cession du droit au brevet, lorsqu'elle n'est pas clairement réglée par un contrat, peut soulever d'importantes difficultés, notamment dans le cas des inventions réalisées par des salariés ou par sous-traitance de travaux de recherche-développement. Pour éviter les malentendus, il est souhaitable de s’assurer que la question de la titularité des droits de propriété intellectuelle est clarifiée dans le contrat conclu avec le salarié ou le partenaire et, de préférence, de demander notre aide de spécialiste de la propriété intellectuelle.
Inventions de salariés. Si l'inventeur est un employé, le droit au brevet européen est défini selon le droit de l'Etat sur le territoire duquel l'employé exerce son activité principale ou sur le territoire duquel se trouve l'établissement de l'employeur auquel l'employé est attaché.
Dans de nombreux pays comme l'Allemagne, la Chine, la France, le Japon, la loi prévoit que les inventions de mission s'inscrivant dans le cadre de la mission confiée à l'employé ou réalisées avec les moyens de l'employeur (ressources financières, ressources humaines, équipements, moyens généraux, matières premières), sont automatiquement cédées à ce dernier. L'employeur est tenu de verser à l'inventeur salarié une rémunération supplémentaire (parfois appelée compensation) qui peut être versée au dépôt ou à la délivrance du brevet. Le montant de cette rémunération supplémentaire peut être forfaitaire ou variable et dépendre de différents facteurs et notamment du profit tiré de l'exploitation de l'invention, la valeur de l'invention, la contribution personnelle de l'inventeur salarié au déploiement de l'invention.
En France, lorsque l'invention est réalisée par un employé en dehors de sa mission, mais au cours de l’exécution de ses fonctions ou dans le domaine des activités de l’entreprise ou par la connaissance ou l’utilisation de techniques ou de moyens spécifiques procurés par l’entreprise, l'employeur peut, sous certaines conditions et moyennant paiement du juste prix, revendiquer le droit au brevet ou le bénéficie d'une licence exclusive (invention dite "hors mission attribuable").
Dans les autres cas et dans les autres pays, tels que les Etats-Unis ou le Royaume-Uni, le sort des inventions de salariés doit être réglé par contrat (typiquement dans le contrat de travail ou par avenant à celui-ci).
Les pratiques sont diverses. Aux États-Unis d’Amérique par exemple, les inventeurs sont souvent associés aux bénéfices tirés de l'exploitation de leurs innovations, au moyen de contrats de travail prévoyant des redevances ou d’autres mesures d’incitation telles que des options d’achat d’actions. Au Japon, en revanche, les ingénieurs et les scientifiques ne sont pas généralement pas associés aux bénéfices de l’entreprise et perçoivent seulement une compensation qui s’élève rarement à plus de quelques centaines d'Euros par invention.
Nous recommandons d'adopter des directives internes sur les inventions des salariés, celles-ci comportant notamment :
- définition licite et partagée de la notion d'inventeur,
- définition des catégories d’inventions qui appartiennent à l’employeur,
- procédure interne de notification à l’employeur de toute invention et de réponse de l'employeur quant au sort qu'il entend réserver à l'invention,
- énonciation des règles de confidentialité,
- définition des règles de rémunération des inventeurs et des obligations de ces derniers d'apporter son concours à la procédure de délivrance des brevets auxquels ils sont associés.
Inventions de prestataires externes. Si l'inventeur est un prestataire externe, indépendant ou salarié d'un sous-traitant, d'un partenaire de recherche ou d'une société d'intérim, le droit au brevet n'est pas automatiquement dévolu au commanditaire, mais appartient en tout au partie :
- à l'employeur effectif de l'inventeur si le contrat de travail de ce dernier prévoit une mission inventive, ou
- à l'inventeur prestataire s'il agit d'un travailleur indépendant ou en l'absence de clause de mission inventive dans son contrat de travail s'il est salarié d'une société partenaire.
Il en est ainsi même si le commanditaire a orchestré et payé les travaux de recherche. Nous recommandons donc vivement de régler sans ambiguïté, par un contrat écrit signé avant le début de toute collaboration, le sort des innovations réalisées dans le cadre d'une collaboration ou d'une sous-traitance. Qui est déjà propriétaire de quoi antérieurement à la collaboration ? Qui sera propriétaire des solutions retenues ? Qui aura le droit de les exploiter et sous quelles conditions ? Si le prestataire externe ou le fournisseur propose un certain nombre de solutions techniques, dessins, de modèles ou de logos et que l’entreprise n’en retient qu’une, qui sera titulaire des droits de propriété intellectuelle attachés aux autres propositions ?
Outre les inventions, les contrats de recherche-développement doivent également contenir des dispositions conférant aux entreprises des droits sur le savoir-faire, le droit d’auteur sur les rapports de recherche et les résultats obtenus, ainsi que des droits sur le matériel physique utilisé dans les activités de recherche, tel que les micro-organismes ou d’autres produits biologiques, de même que des droits de propriété intellectuelle sur toutes les informations générales ne se trouvant pas dans le domaine public. Toutes ces données doivent rester strictement confidentielles.
Inventions concourantes ou interférentes. Si plusieurs personnes ou équipes ont réalisé l'invention indépendamment l'une de l'autre, le droit au brevet appartient :
- en Europe, au Canada, en Chine, au Japon, à celle qui justifie de la date de dépôt la plus ancienne (“First to File” system),
- aux Etats-Unis et en Inde, à celle qui a effectivement conceptualisé l'invention en premier et surtout qui est en mesure de le prouver (“First to Invent” system).
Copropriété. Les résultats brevetables de recherches menées en commun peuvent faire l’objet d’une demande de brevet commune, puis d’un brevet commun, dont la propriété est conjointe à tous les déposants. Les copropriétaires d’un brevet doivent alors organiser leur propriété commune. En savoir plus.