Le brevet est une des rares exceptions à la règle de la concurrence libre. En son absence, tout acteur économique ou industriel peut se comporter en "free-rider" ("passager clandestin") tirant profit de la recherche et du développement de concurrents, sans en supporter les coûts.


L'office Européen des Brevets fait observer que les brevets sont omniprésents dans nos vies quotidiennes : nous utilisons chaque jour plusieurs centaines d’objets ou de services incorporant une inventions brevetée (téléphones, ustensiles de cuisine, véhicules, ordinateurs, services télématiques, etc.).

Ces produits et services innovants ne sont pas nés spontanément, mais sont le fruit de la finesse de l’esprit et de la persévérance de femmes et d’hommes passionnés. Comme l'avait exposé Thomas Edison, « Genius is one percent inspiration, ninety-nine percent perspiration. » Inventer c’est donc investir en temps ou en argent et le brevet protège cet investissement.

Compte tenu de l’importance du rôle que joue aujourd’hui l’innovation technique dans le succès d'un produit, d’une marque et d’une entreprise, il est essentiel de vérifier si les innovations techniques que vous concevez pour vos produits et services sont nouvelles et libres d’exploitation et, dans l'affirmative, de les protéger par brevet sur les marchés voulus.

Dans l'affirmative, un premier choix stratégique de l’entreprise qui fait des inventions s'opère entre :

  • le secret (il s'agit cependant souvent d'une fausse option, tant le secret s'avère, dans la réalité des affaires, difficile et/ou coûteux à maintenir et très rarement efficace),
  • la protection par brevet ou modèle d'utilité, qui est le seul moyen d'obtenir la protection sur son invention, c'est-à-dire un monopole d'exploitation de celle-ci,
  • les divulgations ou publications, dont l'effet est exclusivement de fournir une antériorité susceptible d'invalider un éventuel dépôt postérieur opéré par un concurrent.

Qu’est-ce qu’un brevet ? Le brevet vient récompenser les efforts créateurs des inventeurs ainsi que les investissements importants consentis pour le progrès technique. Il confère à son propriétaire :

  • le droit exclusif d’interdire à autrui d’importer, de produire, de commercialiser ou même d’utiliser des produits ou services incorporant une technique identique ou équivalente,
  • pendant une durée limitée (20 ans),
  • moyennant le paiement d’annuités,
  • en contrepartie d’une diffusion légale.

Le brevet permet notamment de recouper des investissements en R&D, de s'assurer le concours d'investisseurs potentiels sur la base d'inventions solides ou de mieux négocier des accords d'exploitation et de commercialisation. En l’absence de brevet, les investissements que vous consacrez au développement, au lancement et à la commercialisation d’un produit ou service novateur peuvent s’avérer infructueux dès lors que des sociétés concurrentes pourront, dès le succès confirmé et donc sans risque, et à moindre coûts de développement, incorporer la même innovation à leurs propres produits ou services.

L’adoption d’une technologie identique ou équivalente par un concurrent sans votre contrôle peut, non seulement conduire les consommateurs à acheter le produit ou service de ce dernier à la place du vôtre, mais aussi engendrer un transfert à son profit des retombées de notoriété de l’innovation ou au contraire compromettre le succès commercial de l’innovation notamment si le produit ou service concurrent est de piètre qualité́.

Le brevet est également une arme stratégique.

Le système de protection par brevet se caractérise par :

  • une incitation à l’innovation et à la création, par l’octroi d’un monopole temporaire,
  • une publication sûre et datée, reconnue internationalement, de l’innovation, qui décourage les secrets d'affaires (difficiles à protéger),
  • l'octroi d'un titre de propriété négociable qui facilite la conclusion d’accords de licence, de transfert, de partenariats, etc.,
  • une charge pour l’innovation cumulative, le perfectionnement étant redevable à l’invention initiale,
  • une concurrence entravée (exclusion des concurrents et hausse de prix imposée par le breveté), qui ralentit la diffusion du produit ou de la méthode brevetée.

La protection par le secret. La protection par le secret peut, dans de très rares cas, être envisagée comme alternative au dépôt de brevet. L'entreprise peut décider de garder son innovation secrète (sans la breveter), pour autant que la nature de l’innovation le permette. De cette façon, l’avantage se prolonge au moins jusqu'à ce que ses concurrents trouvent une méthode alternative ou équivalente.

Mais pour la grande majorité des innovations, le secret n’est une option ni réaliste ni viable, tant il est difficile à maintenir. Le brevet lui est donc souvent préférable et l'enjeu est alors d'adapter soigneusement la rédaction du brevet à la stratégie poursuivie, notamment en recherchant le juste équilibre entre solidité de protection et divulgation.

Le système de brevet est un système dans lequel la divulgation technique est consentie en échange de la protection. Les deux objectifs fondamentaux de la loi sur les brevets, à savoir la protection des intérêts du breveté et la promotion de l'intérêt public dans le progrès scientifique et technologique, dépendent de l'équilibre entre la protection des brevets et la divulgation. C'est ainsi que, dans une demande de brevet, les revendications définissent principalement la portée que l'on cherche à protéger par un brevet, tandis que la description englobe davantage la contribution technique du breveté qui est divulguée au public. Lors de la rédaction de la demande de brevet, un équilibre adapté à la situation devra être recherché entre ce qui devra être décrit et donc livré au domaine public et ce qui est revendiqué qui, pour que le brevet soit valable, doit se fonder sur la description.

Le brevet comme soutien du premier entrant. Le principe du « first mover advantage » (ou « head start advantage ») veut que le premier qui conquiert le marché dispose d’un avantage compétitif déterminant. Mais cet avantage n’est aujourd’hui plus suffisant. On constate en effet que les entreprises innovantes recourent systématiquement à la protection par brevet. La raison en est que, dans un environnement hyper-concurrentiel, les premiers venus sur le marché n’ont que rarement des bénéfices exceptionnels ou durables. Au contraire, les premiers entrants sont souvent éclipsés par les entreprises entrées ultérieurement (stratégie du « suiveur »).

Plusieurs causes :

  • inertie du « first mover » dans l’activité novatrice une fois sa position confortée,
  • confiance excessive en sa technologie et dans son caractère incontournable,
  • faiblesse de la protection intellectuelle,
  • insuffisance de la capacité de financement des investissements brevets.

Dans certaines industries, comme celles du commerce électronique, l’imitation est devenue une stratégie, davantage que l’innovation.

Une politique de cession de technologie au moment opportun ou de licence peut, pour une entreprise innovante, être un bon moyen pour conserver son rang sur un marché et de renforcer sa capacité de financement de l’innovation. Vendre ou louer son innovation est en réalité une façon astucieuse de distraire ses concurrents de chercher à innover.

Le brevet n’est pas seulement un instrument de monopole. Il est aussi un outil de vente ou location de l’innovation dont il constitue le titre de propriété : il peut être cédé ou concédé sous licence à d’autres sociétés, ce qui représente une nouvelle source de revenus pour votre propre société ou votre patrimoine personnel, ou servir de fondement à un accord de joint-venture, de franchise, etc.

Le brevet comme soutien du suiveur. Dans certains cas, vous pourrez préférer la stratégie du « suiveur » pour ne rentrer sur un nouveau marché qu’après amorçage de son développement. Il faut alors rechercher des solutions techniques nouvelles et libres d’exploitation (un brevet d’un concurrent peut être en embuscade)  et, une fois ces solutions validées, les protéger par brevet sur les marchés voulus. Il est aussi envisageable de racheter ou prendre en licence la technologie qui vous semble incontournable et que son propriétaire est prêt à négocier, par exemple parcequ’il ne peut en tirer seul tout le parti qu’elle mérite.